« Adieu au langage » de Jean-Luc Godard est en quelque sorte un mélange des films « Le mépris » et « Lassie ». C'est un commentaire typiquement vigoureux, ludique et mordant sur tout, depuis l'état des films dans le monde jusqu'à l'état de l'univers du plus vieil enfant terrible du cinéma français. Son titre, bien que ce soit le 39ème long métrage de Godard, prouve que son réalisateur a encore beaucoup de choses à dire et plusieurs manières de le dire. Cela se remarque dans sa libre utilisation des formats de vidéos multiples ainsi que par ses expériences radicales en 3D. Pendant 69 minutes hautes en intensité qui semblent être une injection d'adrénaline dans le cerveau, « Adieu au langage » réaffirme continuellement qu'aucun réalisateur n'a fait plus pour tester et réaffirmer les possibilités des images animées durant les dernières cinquante années de cette forme d'art. Tout le monde, hormis ceux qui auraient voulu que Godard n'ait jamais pris part aux événements de 1968, devrait tirer beaucoup de plaisir du résultat, qui a suscité une forte demande lors du festival et des circuits cinémathèques qui ont suivi sa première à Cannes.
Pour la première apparition de Godard à Cannes, depuis sa participation de 2001 avec le film « Éloge d'amour », « Adieu au langage » offre aux téléspectateurs un point d'entrée légèrement plus accessible que « Film Socialisme » de 2010 (avec ses célèbres sous-titres dissimulés en anglais), car il retrace librement les hauts et les bas d'un couple dans une relation d'adultère, un scénario que Godard avait précédemment exploré dans plusieurs de ses films des années 60, dont « Le mépris » et « Une femme mariée ». Comme l'a décrit le réalisateur lui-même dans le résumé du film : « Le propos est simple : Une femme mariée et un homme libre se rencontrent. Ils s'aiment, se disputent, les coups pleuvent ». Bien sûr, rien n'est aussi simple avec Godard, et cela s'explique par la fin de « Adieu au langage » sorti en DVD le 11 février 2015, où l'on se demande si nous avons suivi un couple, deux couples ou deux versions du même couple.
Au début du film, il est inscrit « Ceux qui manquent d'imagination se réfugient dans la réalité », et ce qui a suivi pourrait bien, d'après l'esprit aphoristique de Godard, être décrit comme une descente dans la réalité de l'imagination du réalisateur. Dans un épisode d'ouverture du film « Adieu au langage », nous nous retrouvons à l'extérieur d'une industrie de gaz où un antiquaire vend des ouvrages de Dostoevsky et de Solzhenitsyn pendant que les spectateurs blasés cherchent les noms sur Google depuis leurs iPhones.